Je ne suis pas tombée dans la marmite de la lecture petite, j'ai tout fait pour l'éviter. J'ai bien lu les grands classique Club des Cinq, Fantomette, Lucky Luke, Astérix et surtout Caroline. Mais pas de quoi devenir une lectrice ravageuse. Ca m'a pris beaucoup plus tard et je me souviens encore de ce plaisir et de ce déclic. Depuis, la découverte des blogs et blogeurs(ses) mes lectures ont évoluées et le plaisir de partager n'est pas pour me déplaire. La bande dessinée est restée un intemporel pour moi. Sinon j'ai mes périodes romans, classiques, voyages, lectures françaises ou étrangères et c'est selon le moment et l'inspiration. Quelques billets sur des sorties viennent de temps en temps alimenter le blog. Ouvert depuis mars 2011 mon blog a quelques fois végété. C'est d'ailleurs le cas depuis fin 2015. Remotivée, je le relance et le dépoussière un peu. Pour commencer je ne suis plus Loo mais Milou et d'ici quelques temps je verrai pour la suite.
Si c'est un homme de Primo Levi
Editions Pocket
185 pages
Quatrième de couverture :
"On est volontiers persuadé d'avoir lu beaucoup de choses à propos de l'holocauste, on est convaincu d'en savoir au moins autant. Et, convenons-en avec une sincérité égale au sentiment de la honte, quelquefois, devant l'accumulation, on a envie de crier grâce. C'est que l'on n'a pas encore entendu Levi analyser la nature complexe de l'état du malheur.
Peu l'ont prouvé aussi bien que Levi, qui a l'air de nous retenir par les basques au bord du menaçant oubli : si la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité" (Angelo Rinaldi).
A moi la parole :
A la lecture de ce livre qui m'avait été fortement conseillée je fus tout d'abord surprise dès la première phrase de la préface rédigée par l'auteur qu'il considérait "avoir eu la chance de n'être déporté à Auschwitz qu'en 1944". Pouvoir trouver les mots chance et Auschwits avec tout ce que ça évoque pour ce dernier mot m'a paru assez invraisemblable. Cela m'a permis du coup à me donner le ton de ce livre avec un titre qui correspond si bien à cette histoire.
Le ton est également donné du fait que l'auteur avait commencé à écrire cette histoire vers la fin de sa détention et où ressort la souffrance de l'auteur de ce qu'il vient de vivre et où il révèle "j'écris ce que je ne pourrait dire à personne". On ressent bien d'ailleurs l'importance que Primo Levi veut donner à l'humain (l'homme, la femme et aussi les enfants) et que détruire ce qui fait de nous des humains ne nous permet plus que de survivre et encore. Dans cette histoire on ressent le combat livré pour rester un humain même par des gestes qui semblent n'être plus nécessaires dans des conditions de vie plus que difficiles.
Ce que j'ai trouvé de différent avec ce livre vis-à-vis du sujet est qu'au-delà des sévices infligés par les nazis, l'instinct de survie qui se développe chez certains détenus leur font adopter des attitudes les uns vers les autres aussi cruelles parfois. Et pour cela tout est permis : la triche, la coopération autant avec les nazis qu'entre détenus, la soumission, le vol, l'indifférence et rarement la chance. Ceux qui n'ont pas compris ça sont condamnés à morts rapidement.
Le chapître où il nous livre une étude sociologique et biologique de la
vie au Lager est assez saisissante.
J'ai apprécié la justesse des pensées de l'auteur qui nous parle là du comportement humain dans des conditions peu ordinaires en les comparant quelques fois à la vraie vie. Un témoignage d'une grande valeur par des révélations sans détour ni apitoiement.
A la fin du livre se trouve un appendice qui apporte un bon complément au livre, puisqu'il livre sous forme de réponses aux questions posées par des élèves que l'auteur a rencontré, le ressenti de ce dernier bien des années après sur cette période tragique. Il n'en ressort pas de haine mais pas de pardon non plus mais plutôt de l'espoir.
Citations
:
" C'est justement parce que le Lager est un monstrueuse machine à fabriquer des bêtes, que nous ne devons pas devenir des bêtes ; puisque même ici il est possible de survivre, nous devons vouloir survivre, pour raconter, pour témoigner ; et pour vivre, il est important de sauver au moins l'ossature, la charpente, la forme de la civilisation. Nous sommes des esclaves, certes, privés de tout droit, en butte à toutes les humiliations, voués à une mort presque certaine, mais il nous reste encore une ressource et nous devons la défendre avec acharnement parce que c'est la dernière : refuser notre consentement. Aussi est-ce pour nous un devoir envers nous-mêmes que de nous laver le visage sans savon, dans de l'eau sale, et de nous essuyer avec notre veste. Un devoir, de cirer nos souliers, non certes parce que c'est écrit dans le règlement, mais par dignité et par propriété. Un devoir enfin de nous tenir droits et de ne pas traîner nos sabots, non pas pour rendre hommage à la discipline prussienne, mais pour rester vivants, pour ne pas commencer à mourir.
Vous qui vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons,
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis,
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connaît pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui ou pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur,
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant ;
Répétez-les à vos enfants,
Ou que votre maison s'écroule,
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous.