Naissance d'un pont de Maylis de Kerangal
Editions Folio - 2010
329 pages
Prix Médicis 2010
Présentation de la quatrième de couverture : "Ce livre part d'une ambitions à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d'une dizaine d'hommes et femmes. Un roman-fleuve qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, de corps de métiers et des corps tout court."
C'est surtout le style qui m'a surpris car il donne un rythme au livre plutôt surprenant me faisant accelérer ma vitesse de lecture à m'en donner parfois le tournis.Un style tout simple fait de phrases où tout se rajoute mais qui a pour effet de donner vie à tout ce monde qui s'active autour de ce pont. Ca grouille de partout, une vrai fourmilière.
Bien sur il y a les personnes qui sont à l'origine du projet et ceux qui vont s'activer à sa construction. Mais autour d'un tel projet, beaucoup de monde s'en rapproche car c'est toujours l'occasion d'y trouver un travail ou toute éventuelle opportunité.
Tout y est débiter avec une multitude de renseignements, que ce soit sur la construction elle-même, l'ambition du projet, la ville qui va sortir de son isolement mais aussi sur ces hommes et ses femmes qui s'activent. Il y a les aléas, les oppositions à ce projet, les laisser pour compte, les relations qui se tissent, le fleuve. Par moment on remonte le temps pour connaitre l'histoire de chaque sujet.
Il n'y a aucun dialogue, toute conversation est insérer dans le texte. J'ai été un peu dérouté au début par ce débit de mot smais j'ai fini par me faire à ce rythme et j'y ai trouvé aussi à l'occasion de belles phrases qui rappelle qu'à travers cet énorme ouvrage il y a aussi et surtout de la vie.
"Disposant d'un point de vue sur l'ensemble du site, elle y contrôle l'outil industriel, baissant les yeux sur l'écran tactile dernier cri, y suit en temps réel, étape par étape, la fabrication du béton, prête au moindre ajustement : à tout moment, la nature variable des granulats peu exiger la modification d'un paramètre de l'une des trois cent cinquante formulations mémorisées dans l'ordinateur;"
"Les ornithologues de Coca respirent tandis qu'à Bécon-les-Bruyères les directeurs financiers de Pontoverde s'étranglent en calculant le surcout de cette plaisanterie, effarés d'apprendre que des oiseaux si petits, si légers, des chiures de la nature, puissent ralentir leur chantier superstar, et les directeurs de la communication, faisant illico une campagne - Pontoverde, l'écologie est notre valeur, pour vos enfants -".
"En vérité, Diderot s'inquiète pour Katherine qu'il n'a pas revue depuis le soir où ils se sont placés face à face dans ce snack banal, à l'angle de Colfax et d'Arapahoe, centrés sur de courtes banquettes de moleskine sang de boeuf entre lesquelles, franche, carrée, hospitalière pour les coudes et les paumes, et comme créée pour le dialogue, il y avait la table, surface champagne aux coins arrondis, de la largeur d'un bras tendu - ce bras qu'il faudrait tendre justement, déplier à l'horizontale, afin que s'avancent les corps en attente à l'arrière, emmanchés à l'endroit de l'épaule, et qu'ils s'amènent doucement, comme des morceaux de territoire, ce bras charnel qui ferait licol, à présent la mesure m^me de ce qui les sépare : quelque chose reste donc à franchir qui est cette table, qui est encore un fleuve, et Diderot appelle déjà la serveuse, il faut que Katherine mange au plus vite pour dessaouler."