Dans les veines ce fleuve d'argent de Dario Franceschini
Editions Folio - 2006
144 pages
Traduit de l'italien par Chantal Moiroud
roman
Livre lu dans le cadre du challenge Il Vaggio organisé par Nathalie du blog Mark et Marcel
C'est un roman en apparence tranquille mais où une multite de petites histoires autour d'un fleuve y sont racontées. Je n'irai pas jusqu'à dire que le fleuve est le personnage principal mais il tient une place très importante.
Primo le personnage principal décide presque sur un coup de tête d'entreprendre un voyage pour retrouver un ami qu'il n'a pas vu depuis quarante ans. Ce dernier lui avait posé une question à laquelle il n'avait pas su répondre. Le voyage va être lent et principalement le long du Pô qui sera le décor principal de ce roman. Il va falloir attendre la fin pour connaître cette fameuse réponse,
Les gens qu'il rencontre sur son chemin expriment leur attanchement au fleuve puisqu'il est toute leur
vie. On y pêche l'esturgeon, on y vient pour nager, se rafraîchir, y travailler, se rencontrer, s'aimer, laver son linge, s'y noyer, lutter contre lui pour éviter l'inondation.
Le voyage entreprit par Primo lui fait prendre toutes sortes de moyens de transports, le train, la charette
tirée par un cheval, le vélo, une barge pour traverser le fleuve etc. Et par ce biais le rythme est donné au roman avec lequel on traverse différents paysages et donnent le temps de toutes les
rencontres.
Il ne s'agit pas d'un simple récit de voyage mais plutôt une sorte de retour aux sources pour Primo ponctué de rencontres et d'un certain regard vis à vis des autres. Il y a aussi de la magie et de la poêsie. Et les pensées de Primo le conduisent vers ses souvenirs où il s'arrête quelques fois pour nous en livrer un morceau. Et puis les personnes qu'il va rencontrer, qui feront un bout de chemin avec lui vont eux aussi lui raconter des histoires. Il s'agit parfois d'histoires vraies, parfois de légendes et tous les sentiments y sont ressentis.
L'écriture est belle et permet de passer d'une scène à une autre de façon très fluide et j'ai beaucoup aimé
le côté mélancolique du texte. Je me suis laissée bercée par le texte jusqu'à la fin où un sentiment de panique m'a envahie.
Extraits :
"Il avait toujours confondu le silence avec le froid. Pendant les nuits moites d'été il regardait les lèvres de Marie qui bougeaient, sans un bruit, au rythme des mots de son livre, et il commençait à trembler sous les draps rêches de coton blanc."
"Il lui arrivait souvent de glisser dans des rêves qui ne lui appartenaient pas. Lorsque cela se produisait, les personnages de ses rêves s'arrêtaient un peu, surpris, comme lorsqu'un étranger traverse le plateau d'un film en cours de tournage, certains faisaient même un petit signe de salut de la tête. Il se rappelait notamment une vieille femme, dans une rue lumineuse d'un village en pente : elle mangeait sur une table à côté de la porte de sa maison du pain trempé dans une assiette de soupe. En la voyant, elle s'était figée, sa cuiller en l'air, et avait ébauché un sourire en murmurant : ... mais vous n'êtes pas mon fils.
Il se demandait chaque fois à qui appartenaient ces rêves rencontrés par erreur et il était toujours ennuyé, songeant que peut-être quelqu'un errait dans les siens sans les comprendre."
"- D'ailleurs c'est un cheval du fleuve et il a travaillé trop longtemps dans des campagnes lointaines. Depuis qu'il est revenu, il ne pense qu'à mourir dans son eau. Je le comprends. Nous la regardons chaque matin, nous la buvons, elle nous fait vivre, nous en rêvons la nuit. Notre monde est ici, entre les digues, et c'est là que nous voulons mourir. En dehors, c'est la terre des autres.
Il se tourna vers Primo et dit en riant :
-Ne faites pas attention, nous les gens du fleuve, nous sommes bizarres. Et vous, d'où venez-vous ?
Primo plongea dans le regard noir et sans fond du cheval.
-Moi aussi je suis du fleuve, dit-il. De Cantarana."
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