Petit éloge de l'incompétence
Michel Claessens
Essais 2013
Quand je suis tombée par hasard sur le titre ça m'a bien fait sourire. Quand j'ai vu la photo qui l'accompagne j'ai souris davantage. Je ne vous raconte même pas lorsque ça fit écho dans mon esprit, car des exemples d'incompétence j'en avais une longue liste (dont les miennes). Petite minute de médisance.
Ce premier réflexe passé, je restais perplexe devant le sujet qui en plus fait l'objet d'un livre. Cela n'a pas manqué piquer ma curiosité et bien m'en a pris. Par contre ce que j'ai regretté une fois le livre fini c'est de ne pas avoir mieux pris mes notes pendant la lecture. Je me suis contentée de souligner (beaucoup) et je m'en mord les doigts maintenant qu'il faut restituer.
Michel Caessens est un scientifique - pour en savoir plus -. Il travaille actuellement pour le programme Iter - pour en savoir plus - le réacteur international et expérimental de fusion nucléaire en construction à Saint-Paul-lez-Durance. Il est l'auteur de divers essais. Avec ses connaissance et son expérience il porte un regard assez intéressant sur le sujet de l'incompétence.
Pour l'auteur, l'incompétence est la première de nos compétences. Voilà qui est rassurant quand on pense à toutes les situations où l'on s'est trouvé au pied du mur à devoir prendre une décision ou agir sans connaître parfaitement le sujet.
Cette incompétence, il l'explique d'ailleurs assez bien car dans la société technoscientifique où l'on vit, il n'est pas possible de ne pas être incompétent.
Comment s'adapter au fait que pratiquement toutes les activités humaines sont désormais encadrées, au propre et au figuré, par des outils (informatiques) que nous ne maîtrisons et ne comprenons que partiellement ? Comment faire évoluer l'éducation et la formation pour tenir compte des situations éminemment plus complexes que nous rencontrons dans la vie réelle ?
Mais aussi :
L'un des grands non-dits de notre société est précisément le fait que la compétence que notre civilisation ne cesse de construire n'arrive pas à réduire cette incompétence au néant.
Fini donc la compétence bien délimitée. Fini donc la transmission de génération en génération d'un savoir. D'une maitrise de notre environnement, de ses dangers, les gestes précis d'un métier. Pour aboutir à une décision, l'interaction et l'implication entre différentes compétences s'impose.
L'auteur ne manque pas d'exemples tous aussi intéressants les uns que les autres. Pour n'en citer qu'un :
Le crach du vol Air France 447 Paris-Rio en juin 2009. Plutôt que d'accuser l'équipage de ne pas avoir été à a hauteur, l'expertise a mis en avant un "pêché de compétence". Et je cite : Entouré d'un luxe de technologie et rassuré par de nombreuses missions réussies, les pilotes ont cru jusqu'au bout pouvoir redresser la situation. La compétence est désormais subjuguée à la technologie, qui évolue sans cesse."
En même temps l'auteur évoque les changements et l'évolution de notre société :
L'implication des citoyens aux décisions, l'éducation qui tend plus vers les acquis de compétence que sur les savoirs. Il aborde aussi la position du politique et l'évolution de nos carrières.
Notre monde évolue et bien entendu, il y a du bon et du moins bon. Je trouve que l'exposé qu'en fait l'auteur apporte un bon éclairage et permet de mieux en prendre conscience et mieux l'appréhender. Un livre à lire et relire, tout à fait accessible et bien construit.